" ♪ Na na na, na na na, na na... ♫ "

C'est une pareille petite mélopée qui finit dans l'oreille du poissonnier, un jour de marché il y a une dizaine d'années, dans la cité humaine d'Elmirion. S'il associa d'abord la chansonnette à l'un des nombreux enfants qui se mêlaient à la foule alentour, il ne put que s'interroger tandis qu'elle semblait se rapprocher discrètement au fil des minutes, semblant résonner... Or le marché à ciel ouvert ne permettait guère ce genre de sonorité. Il mit donc un certain temps avant de réaliser l'énormité de la chose : le son venait du puits derrière lui. Écarquillant les yeux, il demanda doucement à son gosse d'apprenti d'y jeter un coup d'oeil. La confirmation des craintes de l'homme vint rapidement sous la forme d'un cri surexcité.

"Quelqu'un qui r'monte dans l'puits, quelqu'un qui r'monte dans l'puits !"

Un instant de flottement confus et consterné alentour, avant qu'une nuée d'adultes bien intentionnés ne se presse autour des anciens murs de pierre. Se succédèrent encouragement et compliments devant le courage du malheureux qui, réalisèrent les hommes et les femmes ainsi rassemblés, s'avéra être - d'après ses cheveux que l'on devinait plutôt long - et sa stature, une gamine trempée. Aussitôt, deux femmes s'évanouirent, tandis qu'un homme enrageait contre une telle atrocité, tandis que le reste de la masse d'êtres vivants redoublait d'ardeur dans leurs exclamations sympathiques. A moitié écrasé par la foule, le gamin du poissonnier finit par crier de sa voix d'enfant :

"Mais j'la connais...!"

Il ne parvint pas à finir sa phrase, alors que tous se pressait pour reconnaître cette pauvre enfant. Quand enfin un lien fut fait entre la chevelure noire, les yeux claires qui brillèrent un instant dans la faible lumière avant que la fillette ne se concentre à nouveau sur son escalade, chantonnant toujours, et un nom, quelqu'un le gueula et le silence se fit instantanément. Chacun en convint avec son voisin : oui, il s'agissait bien de la fille du couple de marchands ayant fait faillite la semaine passée en raison de dettes qu'ils ne parvenaient plus à payer, et qui avait quitté la ville avec empressement la veille au soir, emportant tout ce qui leur restait de maigres biens, soit un vieux lit, une armoire branlante, et quelques chaises. Pas grand chose, en plus de la carriole et du cheval le tirant, en somme... Et qui donc avait une fille en bas-âge, qui grimpait justement à l'intérieur du puits, le matin venu.

Le marché reprit son court. Bien qu'une certaine gêne persiste, chacun fit comme si de rien était alors qu'une petite main apparaissait sur le rebord du puits, puis qu'un petit corps s'y hisse, celui de la gamine en question. Se laissant choir de son perchoir avec un soupir, elle s'étira en baillant avant de regarder alentour, sans doute à la recherche de ses parents. Au bout d'une minute d'observation vaine, elle bailla à nouveau, avant de s'éloigner, les adultes s'écartant l'air de rien sur le passage de l'enfant de trois ans. Passant à côté de l'étalage de fruits et légumes, elle se saisit d'une orange comme une fillette de son âge attrape sa poupée sur son lit, avant de continuer son chemin. La commerçante eut au moins la décence de ne pas crier contre elle, la laissant même s'allonger parmi ses sacs vides, piquant du nez après avoir vaillamment lutté contre la peau résistante du fruit, pleuré un bon coup de frustration, en être venu à bout avec un oncle cassé et en avoir enfin apprécié deux bouchés juteuses, avant que la fatigue ne l'emporte.

Chacun connaissait son nom et celui de sa famille, ainsi que la raison de la départ de cette dernière. Et personne ne souhaitait qu'une telle malédiction ne s'abatte sur leur tête. Ainsi, la gamine fut diligemment ignorée, elle-même ne cherchant pas plus le contact que cela. Survivant de chapardage, qu'elle réalisa bientôt d'une excellente manière, n'ayant plus besoin de la bienveillance hypocrite des commerçants pour se servir dans leurs étals. Qu'ils gueulent ou la laissent faire, elle prenait ce qu'elle voulait, c'était tout. Se saisissant d'un fruit quand elle avait faim, chipant un linge étendu à sécher - au premier étage d'une maison - quand ses vêtements avaient trop de trous ou la dérangeaient car devenant trop petits, ou encore d'autres bricoles inutiles qui réapparaissaient gisant dans une ruelle isolée, ou renvoyées à la figure du marchand trop énervé au goût de la gamine. Elle faisait son petit marché comme tout le monde. Le vol appartenant, aux yeux de tous, à sa nature, la seule différence notable depuis son abandon leur semblait être que sa famille n'en faisait plus les frais. Et elle vivait son étrange vie simple sans eux.

Cela eut pu être le cas ainsi longtemps, jusqu'à ce que quelqu'un s'intéresse un jour au joli corps de pucelle de l'orpheline, qui se développait tant bien que mal dans la crasse, ou qu'un autre en ait assez de son absences de manières et ne l'égorge sommairement dans une ruelle sombre, ce dont ne manquait pas trop Elmirion. Mais l'étrange attirance pour l'eau de la gamine, qui semblait être apparu après l'épisode du puits, fit prendre un nouveau cap à son existence.

Bonne grimpeuse, la gamine l'était, et nombreux furent les gardes à le constater alors qu'au cours d'une ronde, ils découvrir un corps flottant dans les douves de la Citadelle. Si leur première intuition fut qu'un cadavre y avait été jeté, mort de raison plus ou moins naturelle, le corps fit bien vite montre d'une vitalité démentant un état de décès. Ils ne purent qu'être estomaqués devant la fillette - car c'était bien elle, dans ses haillons - qui barbotait tranquillement dans l'eau opaque. Quand leur esprit leur revint enfin, et qu'ils tentèrent de l’interpeller, elle grimpa simplement les murs à leur yeux impossibles à escalader, s'ébroua, avant de les ignorer simplement en s'éloignant. Cela les marqua d'autant plus qu'elle reparut quelques jours plus tard. Même réaction de leur part, et idem pour elle. Au bout de la quatrième fois, il y eut un garde pour vouloir l'attendre là où elle avait l'habitude de remonter. L'enfant détalla simplement sous son nez. La tentative suivante sembla frôler la réussite, le garde semblant arriver à temps pour la retenir... Sauf qu'il n'avait pas prévu qu'elle lui crache à la figure de l'eau des douves, dont elle avait empli ses joues avant de grimper. Le prenant par surprise, elle parvint encore à filer. Encore après, elle choisit un autre endroit pour sortir de l'eau, laissant le groupe de soldats qui l'attendait en plan, trop loin pour la rattraper. Et ainsi de suite. Il n'y avait pas assez de gardes pour cerner les douves sur l'ensemble de leur longueur... Et surtout leur supérieur finit par s'exaspérer de ce manège inutile, faisant siffler quelques oreilles.

Après cela, il furent contraints d'observer avec impassibilité la gamine barboter, enfin tranquille, juste sous leur nez ce qu'elle fit sans guère de  retenue. Et ils furent tous pris par surprise quand, lors d'un remplacement, à la fin d'un tour de garde, le nouveau groupe ne l'y trouva pas, alors que le précédent l'avait informé de sa présence. S'était-elle, par pur hasard, enfin noyée... ?

La réalité était tout autre. Levant le nez sur d'immondes pieds, à la peau parcourue de veines saillantes, aux ongles jaunies et brisés, l'enfant eut la surprise de tomber nez à nez avec quelqu'un qui ne lui cria pas dessus. Loin de là. La vieillarde lui fit un sourire de sous son capuchon, tout sauf rassurant pour quelqu'un d'autre, mais qui ne fit pas fuir la fillette. Celle-ci se laissa tirée distraitement par l'inconnue au pas énergique, malgré son bâton de marche... Ceux qui virent le duo s'en détournèrent aussitôt, tentant d'effacer cette vision de leur mémoire.

Les gardes crurent à leur bonne étoile pendant quelques jours de calme.

Puis ils l'injurièrent quand l'enfant, non contente de reparaître dans l'eau saumâtre des douves, se mit à envoyer des monstres les narguer, à coup d'injures, de jets d'une eau croupie étrangement collante, voletant furieusement autour de leur tête leur de leur course pour attraper la fautive, s'évaporant quand ils parvenaient à les saisir, reparaissant à l'attaque suivante. Entendre pour la première fois le rire de la gamine fut loin de les faire sourire.

La gamine n'est guère grande pour son âge, ne faisant qu'un mètre vingt. Sa silhouette fluette attire aisément la pitié d'autrui, d'autant qu'elle ne porte souvent que des haillons... Jusqu'à que l'inconnue entende sa réputation, et décide de suivre le sens commun, qui dit de se méfier de  ses mains fines et baladeuse. Celles-ci n'ont guère conservé la douceur de l'enfance, comportant des cales au bout des doigts et sur la paume, de même pour ses pieds, chaussures et gants n'étant pas commodes pour crapahuter.

Son apparence pitoyable est quelque peu éclipsée dès qu'elle bouge avec une agilité perceptible, un pas plutôt léger, ce qui la rend d'autant plus menaçante pour leur étal aux yeux des commerçants. Néanmoins, sa principale arme demeure, surtout contre les itinérants qui ne la connaissant pas encore, son visage rond brillant d'innocence, aux traits doux et au regard bleu pâle et où ne transparaît jamais la moindre trace de culpabilité, quand bien même sa main se trouverait dans une poche qui n'est pas la sienne. Encadrant cette charmante vision, une chevelure noire descendant jusque dans son dos, plutôt emmêlée quand elle n'est pas raidit par l'eau.

Le concept de bien et de mal semble lui être parfaitement étranger, de même que tout principe de bonne tenue. Si le premier lui fait défaut sans raison apparente, l'absence du second est dû simplement à son manque d'éducation. L'une des seules règles semblant régir sa vie semble être celle-ci : je fais ce que je veux. Vivant à la manière "libre" d'un gamin des rues assez habile pour ne jamais être pris, Ula a conservé l'habitude qui a coûté son commerce à sa famille, de chaparder à toute heure du jour et de la nuit, de l'utile comme de l'inutile, du peu coûteux comme du cher, son choix étant limité seulement par le poids et l'encombrement engendré, ainsi que par son intérêt propre. Si un jour elle pourra dérober une paire de soulier, avant de l'abandonner plus loin, elle pourra passer devant une semblable sans y jeter un coup d'oeil le jour suivant.

En conséquence de ce comportement si peu pratique pour des commerçants, ses parents l'ont donc "oublié" au moment du départ... Sans qu'elle semble en souffrir, le jour même de son abandon comme dans les temps qui suivirent. Ce détachement émotif la rend moins attachante, une fois qu'on s'est rendu compte que, si suite à vos cadeaux elle semble vous adorer, elle ne versera pas une seule larme sur votre tombe si vous veniez à trépasser, préférant plutôt se servir de votre stèle comme "lit" pour une sieste, ou emporter sans y prêter attention le cadeau vous étant adressé dans l'au delà de l'un de vos proche.

La fillette, en plus de sa "passion" pour le vol, apprécie particulièrement l'eau sous sa forme liquide. Qu'il s'agisse de bondir dans les flaques un jour de pluie, de nager dans l'eau croupie des douves du château, ou même celles à ciel ouverte des égouts - bien que "Mamy" lui conseille toujours d'aller plutôt dans celle des douves, afin de "jouer". En effet, Ula apprécie régulièrement de s'amuser de manières diverses, bien que sous la coupe de la vieille femme, son amusement principal soit d'aller asticoter l’ego des gardes, après avoir fait trempette.

Jeune, sans avoir été "élevée" au sens où on l'entend pour un enfant, Ula ne connait que le dialecte parlé dans sa ville, soit le Gobbos.

Enfant des rues, elle ne connait guère les règles de la société, mais sait en revanche crapahuter sans crainte, courir et bondir comme seuls les enfants inconscients du danger et sûr d'eux savent le faire. Particulièrement agile et rapide, elle a laissé plus d'un garce courroucé sur le carreau. Dans cette même idée, aussi bien simple amusement enfantin que besoin pour survivre - du moins dans les premières années de sa vie solitaires -, la fillette a les doigts particulièrement discrets et la main légère, quand il s'agit de voler, sans rien afficher d'une quelconque tension signifiant la crainte d'être puni. Ainsi, certains marchands ne se sont rendus compte du délits qu'alors qu'elle s'éloignait tranquillement, croquant dans la pomme ou la miche encore chaude.

Ces différents attraits sont plutôt classiques d'une orpheline d'Elmirion. Ce qui l'est moins, sont les créatures qui l'accompagnent quelques fois, l'aidant à taquiner les gardes de la capitale. De ces créatures caractérisant l'agissement d'une invocatrice... Mais où une gamine serait-elle allée apprendre de tels sorts ?

Fait curieux aussi, parmi la basse population d'Elmirion, est qu'Ula sache... Nager ! Et qu'elle apprécie même cela, d'où qu'elle soit souvent surprise en train de barboter dans les douves de la Citadelle... Avant de s'éclipser sous les hués des gardes, grimpant comme un singe les murs, y trouvant aisément des prises là où d'autres ne verraient qu'une surface presque lisse, et disparaître aussi sec.

La "Sorcière"

Autrement dit la vieille et hideuse femme que tout le monde évite, et fait mine de ne pas voir les rares fois où elle pointe le bout de son nez crochue hors de sa cahute, qui se trouve dans les profondeurs des bas-fonds d'Elmirion(autant dire que c'est très profond, très sombre et bien... Sale), chez qui Ula passe désormais ses nuits, et qu'elle appelle sobrement "Mamy", à la plus grande horreur de l'observateur si petit curieux il y a lors de leurs échanges, ces deux-la ne se croisant généralement qu'à la nuit tombée, dans la-dite cahute isolée.

Leur relation ? La vieille a recueilli la gamine, et lui enseigne quelques "tours" car, sa première et principale source d'amusement dans ce monde qu'elle haït sans raison apparente est de faire ch... De pourrir la vie à tout le monde, ses cibles préférées étant les gardes "dans leur jolies boîte en fer dans lesquelles mes garçons flamboyants les feraient bien rôtir". Mais, d'une part, si elle exécutait ce sombre dessein, toute la population n'aurait de cesse de la voir pendue haut et court - ce qui deviendrait lassant à contrer, surtout s'ils meurent tous au final -, d'autre part, si elle se contente de petite attaques pas trop vilaines, à un âge aussi avancé que le sien, c'est plus très plaisant de courir avec des jeunots aux fesses. Donc, en échange de ses connaissances, du gite et du couvert, la petite Ula lui rend service en "allant jouer" avec les gentils gardes, et les petits amis que "Mamy" lui a appris à invoquer, tandis que la vieille en arrière-plan admire le spectacle avec un rire de dégénérée qui refuse de mourir, toujours dans l'idée de ne pas faire plaisir à ses voisins. Elle est pas belle la vie ?

L'une des seules "bonnes actions" qui pourrait lui être associée serait de sortir entièrement couverte d'une cape à capuchon, évitant à bien des petits enfants sains d'esprit de développer la phobie des personnages âgées. Ula ne semblant pas appartenir tout à fait à cette catégorie de chérubins, que la vieille se balade ainsi dissimulée ou complètement nue (ne pas chercher à savoir si elle l'a déjà vue comme ça, vous vous feriez du mal), elle semble y être parfaitement insensible.

[Pour plus d'informations sur le personnage, tenter de questionner le PNJ en RP]

Autre

TC de Morrash Gar'Erkun et Zaahelônn Elehnuun.